Renaud Barbaras, Autrui
Notre expérience des autres est aussi difficile à penser qu’elle est originaire. En effet, autrui est, comme moi, une conscience, ou encore un alter ego. Or la conscience est caractérisée par l’identité de son être et de son apparaître, elle n’a pas d’autre réalité que celle dont elle fait l’épreuve et est, par conséquent, inaccessible comme telle. Il n’en reste pas moins que nous sommes constamment en rapport avec d’autres consciences et immédiatement capables de faire la différence entre autrui et une chose. Il s’agit donc de comprendre comment cela qui n’apparaît qu’à soi-même peut pourtant m’être donné, comment une conscience peut figurer dans le monde. C’est cette question que la phénoménologie prend en charge en tentant de décrire les modalités et les conditions de cette expérience des autres. Quatre approches phénoménologiques d’autrui sont ici restituées, qui correspondent à ces quatre modalités d’apparaître que sont la face, le regard, l’expression et le visage.

Renaud Barbaras est professeur de philosophie contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Tous ses travaux s’inscrivent dans le champ de la phénoménologie. Derniers ouvrages publiés : Lectures phénoménologiques, Paris, Beauchesne, « Le grenier à sel », 2019, Recherches phénoménologiques, Paris, Beauchesne, « Le grenier à sel », 2019, L’appartenance. Vers une cosmologie phénoménologique, Peeters, « Bibliothèque philosophique de Louvain », 2019.
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Vincent Cordonnier, La Mort
La certitude de la mort permet une plénitude et une absence d’attente d’autre chose parce qu’elle donne l’expérience de l’intensité suffisante de la vie possible, l’intensité non pas d’avoir été mais d’avoir pu être. Notre vie n’est pas ce que nous avons déposé et que l’abîme engloutit, mais toutes ses possibilités d’être en tant que telles que nous aurons accompagnées plus que produites. La conscience de la mort est moins celle, triste, de la fin des choses que celle, joyeuse, de la possibilité d’autre chose, non pas après ce monde mais comme mode d’être de ce monde même.
Alors, le tragique s’accomplit dans une perspicace et vivifiante légèreté, « sans rien qui pèse ou qui pose » face à la supposée gravité des choses, tout en maintenant paradoxalement un effort pour être un peu vigilant envers soi-même.
Ce livre propose un petit parcours des réflexions sur la peur de la mort chez Montaigne et sur l’angoisse de la mort selon Heidegger, pour aboutir à une forme d’insouciance tragique proprement nietzschéenne.

Vincent Cordonnier, normalien et agrégé de philosophie, est professeur de philosophie en classes préparatoires depuis 1994. Il enseigne actuellement en khâgne B/L au lycée Janson-de-Sailly et en hypokhâgne A/L au lycée Louis-le-Grand. Il travaille principalement à partir des auteurs attentifs au corps.
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Vincent Cordonnier, Marc Aurèle
Marc Aurèle, au fil de ses pensées apparemment disparates, reprend en fait la tripartition stoïcienne systématique de la philosophie en logique, physique et éthique, qui délimite donc rigoureusement trois enjeux. Pour la logique et sa discipline de compréhension : comment chercher à comprendre la valeur et la beauté des choses de ce monde où tout est voué au changement, sans se désespérer et se réfugier, par exemple, dans un monde d’idées éternelles ?
Pour la physique et sa discipline du désir : comment aimer les êtres et les choses de ce monde sans véritablement avoir d’attaches ? Pour l’éthique et sa discipline de l’action : comment s’efforcer d’agir sans cesse tout en acceptant l’échec ?
Marc Aurèle résout ces tensions en suivant les trois objectifs principaux de sa pensée selon nous : la lucidité, l’amour et la concentration. Chaque objectif correspond, dans la présentation métaphorique qu’on voudra bien nous accorder, à l’un des trois moments de la journée du philosophe où il tente toujours de faire tenir toute la richesse de l’existence : le matin clair pour la lucidité, le midi débordant d’amour, le soir recueilli pour la conversation.
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Vincent Cordonnier, La sagesse d’Hadrien selon Yourcenar
L’empereur Hadrien, transfiguré par Yourcenar, présente d’abord un ferme désir d’expérience, d’ouverture à l’altérité, poussée jusqu’à un certain mysticisme; ceci tout en maintenant ce garde-fou qu’est la raison au sens antique, le souci de clarifier toute chose pour la pensée et surtout la volonté de se maîtriser et de garder le contrôle de soi et de ses représentations en toutes circonstances, qui le rattache particulièrement au stoïcisme, dont on sait l’influence à Rome. Mais il parvient aussi à empêcher l’absorption de la diversité vivante dans un système trop intellectualiste et répressif, qui risque de devenir inhumain à force d’orgueil trop humain, grâce à une innocence de voluptueux sans vulgarité ni mollesse et donc à une valorisation du plaisir proche, avec certaines nuances plus souriantes et moins calculatrices, de l’épicurisme.
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Laurence Hansen-Løve, La Violence – Faut-il désespérer de l’humanité ?

La violence est difficile à apprécier de façon impartiale. La différence entre une approche objective et le « ressenti » est telle que différents points de vue peuvent sembler irréconciliables. Plus problématique encore : la violence des uns peut constituer un soulagement et un espoir pour les autres. Dans ces conditions, on ne voit pas bien comment on pourrait soutenir que le monde dans son ensemble est de moins en moins violent. On remarque à ce propos que, même si le but de la civilisation est en principe de nous délivrer progressivement de la barbarie, il n’est pas certain qu’elle y parvienne. Le monde d’aujourd’hui est porteur de menaces redoutables. Des guerres perdurent, qui tuent de plus en plus systématiquement des civils. Des enfants continuent de mourir de faim. Des crises sanitaires prennent un tour inédit. Chaque jour des femmes continuent de tomber sous les coups de leurs conjoints. Et que penser de l’écocide qui est en train de mettre en péril le monde vivant dans son ensemble ? Dans un tel contexte, avons-nous encore des raisons d’espérer ? Et si oui, lesquelles ?
Laurence Hansen-Løve est professeure agrégée de philosophie, elle a enseigné à Sciences-Po Paris et est actuellement chargée de cours à l’Institut privé de préparation aux études supérieures (IPESUP). Elle est l’auteure de nombreux ouvrages, dont Oublier le bien, nommer le mal ; une expérience morale paradoxale (Belin, 2016), Cours particulier de Philosophie. Questions pour le temps présent (Belin, 2006) ou encore La philosophie comme un roman (Hermann, 2014). Elle est aussi coordinatrice de l’ouvrage La pratique de la philosophie de A à Z (Hatier, 1996).
Chantal Jaquet, Le Désir
L’expérience du désir n’est pas tant celle d’un manque que d’un manquement à soi où le sujet, en proie au vertige, perd le contrôle de lui-même et se purprend à éprouver ce qu’il réprouve ou ne croyait jamais devoir éprouver. Dans ce face à face avec lui-même ou avec autrui, l’homme découvre que le roi est nu, dépossédé de son sceptre et de sa toute-puissance. De ce fait, l’expérience du désir est toujours teintée d’angoisse dans la mesure où elle semble porter atteinte au sentiment de liberté et de maîtrise de soi. Ne dit-on pas d’un désir qu’il nous prend ou qu’il nous submerge ?

Chantal Jaquet est philosophe, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses travaux portent sur l’histoire de la philosophie moderne (Spinoza, Bacon), sur la philosophie du corps, (notamment l’odorat et l’esthétique olfactive) et sur la philosophie sociale (les transclasses).
Liens utiles :
Chantal Jaquet : « Exister, c’est désirer » | L’Humanité
Qui vive ? – L’obscur sujet du désir – 28/01/18
Le désir – Chantal Jaquet – Babelio
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Chantal Jaquet, Spinoza ou la prudence
Comment entrer dans la philosophie de Spinoza et parcourir avec lui les chemins joyeux de la connaissance vraie et de la vie sous la conduite de la raison ? Pour trouver une bonne méthode d’approche de cette pensée difficile, il n’est qu’à se laisser guider par Spinoza lui-même et suivre le premier précepte qu’il livre à son lecteur au cours de sa correspondance. Chaque lettre adressée à ses amis commençait par la formule « Caute« , (Prudence !) qui lui servait de sceau et de devise.
Voilà pourquoi cet ouvrage d’introduction à la philosophie de Spinoza se propose d’éclairer l’ensemble de son œuvre à la lumière de cette devise et d’en faire un fil conducteur, aussi bien des écrits de jeunesse, comme les Principes de la philosophie de Descartes et le Traité de la réforme de l’entendement, que des ouvrages de la maturité : Traité théologico-politique, Éthique et Traité politique.
Muni de ce compas et de cette boussole, il devient possible de délimiter la sphère de la liberté philosophique face au domaine théologico-politique et d’arpenter les voies de l’éthique, à la manière du géographe de Vermeer. C’est donc en miroir de l’œuvre un portrait de Spinoza le prudent qui est ici dressé.
Liens utiles :
Spinoza ou la prudence – Chantal Jaquet – Babelio
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Martine Lucchesi, l’Art
« Si le silence indifférent de la nature nous laisse penser en paix, l’esprit de l’œuvre d’art, du fond de son commerce avec la couleur, le son ou la pierre, dénonce « matière en main » la généralité de toute métaphysique, somme la pensée de répondre de son union avec le sensible, c’est-à-dire de savoir pour elle-même qui elle est, d’où elle vient et où elle va. »
Martine Lucchesi enseigne la philosophie en classes préparatoires au lycée Henri IV.
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Marc Wetzel, Les Passions
« Qu’est-ce donc qu’une passion ? Chaque fois, comme on voit dans l’ambition, la cupidité, la haine, la vanité, il s’agit de créer de toutes pièces un déclic interne pour ré-éprouver – sans appui actuel – une émotion (vertige), de faire se répéter à loisir son occurence (frénésie), de s’assurer l’illusoire initiative de ses états d’âme (complaisance). La passion est une fabuleuse organisation destinée à faire fonctionner à vide, chroniquement, et de soi à soi, une émotion fondamentale. On s’y émeut moins peut-être de pouvoir en jouir, qu’on ne jouit de savoir s’y émouvoir. »

Marc Wetzel, né en 1953, a enseigné la philosophie, dont vingt-cinq ans en Khâgne, à Montpellier.
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