Pascale Privey, La Vocation

1996. Tu as pris un train avant le jour. Ton premier poste est en Normandie, toi tu vis à Paris. Tu n’as pas le permis, juste ton concours. Que seuls les certifiés passés par l’IUFM sont sûrs d’obtenir un poste dans leur académie d’origine, quand tu t’es inscrite à l’agrégation on ne te l’a pas dit. Il y a beaucoup de choses qu’on ne t’a pas dites. Pourtant tu crois savoir. Tout le monde croit, tout le monde a été élève… Tu crois savoir, et tu n’es pas là par hasard : c’est un métier que tu as toujours voulu faire, prof. Transmettre. Faire grandir.
(…)
A l’aube, la tête penchée vers la vitre, tu dépasses une centrale nucléaire et tu traverses des bois. Parfois, une biche regarde passer le train. Surtout les jours de brume. Dans le train, tu croises, levés comme toi dans la nuit, beaucoup d’autres professeurs stagiaires nommés en Normandie, qui comme toi habitent à Paris. Le soir il n’y a plus de trains, il faut se méfier, les conseils de classe finissent trop tard. Le mardi, tu te rends dans une autre ville, apprendre à devenir professeur. On te montre des choses utiles comme des films sur la moissonneuse-batteuse ou une vidéo de François Mitterrand. Tu enseignes le français à une classe de cinquième.
Pascale Privey est agrégée de lettres modernes. Elle est née en 1972, dans une famille de pédagogues, où quasiment tout le monde a enseigné d’une façon ou d’une autre. Après un bac scientifique et une classe préparatoire littéraire « Maths et Sciences sociales », elle a fait une maîtrise de Lettres. Elle a commencé à enseigner en 1996, de la ZEP aux banlieues riches et du collège au supérieur. Elle a quitté l’Education Nationale en 2013. Après une parenthèse américaine, elle s’est consacrée au soutien scolaire. Elle a écrit des articles et publié plusieurs livres (Petit Cancer, 1996 ; Bonbonne, 1999 ; Chrysalide, 2021 ; Enfances occultes, 2022). Pascale Privey a quatre enfants.
Lazar Moscovici, 910 jours à Auschwitz (édition 2022, augmentée de plus de 80 documents d’archives, 1937-1947)
Nouvelle édition de 910 jours à Auschwitz de Lazar Moscovici, témoignage de sa déportation à Auschwitz-Birkenau de juillet 1942 à janvier 1945.
Toujours annotée et commentée par l’historien Michel Laffitte, cette édition contient désormais la déposition de Lazar Moscovici au procès du négationniste Robert Faurisson d’octobre 1979, ainsi que son récit sur les derniers jours du poète et essayiste roumain Benjamin Fondane, qu’il tenta de soustraire à la sélection à l’infirmerie du camp. Enfin, cette nouvelle édition présente plus de quatre vingts documents d’archives de 1937 à 1947, reproduits et commentés, dont certains rarissimes et très révélateurs des pratiques de l’occupant et de la France de Vichy. La dernière partie du dossier documents est consacré à un aspect moins connu du grand public, le véritable parcours du combattant administratif des survivants étrangers pour obtenir la nationalité française ou, par exemple, faire reconnaître leurs diplômes validés avant la guerre.
Lazar Moscovici est né en 1914 à Falticeni, en Roumanie. En raison des mesures antisémites locales des années 30, il part pour la France, proverbiale terre d’asile et des droits de l’homme, où il rejoint ses deux frères aînés, pour y faire, comme eux, ses études de médecine. A la déclaration de guerre, il s’engage comme volontaire au titre de la Légion Etrangère pour participer à la défense de son pays d’adoption. Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1942, les trois frères Moscovici sont arrêtés dans un village du Maine-et-Loire par la Feldgendarmerie, à laquelle sont associés des gendarmes français. Le 20 juillet, ils font partie du convoi n°8 à destination d’Auschwitz-Birkenau. Lui seul reviendra. Lazar Moscovici est resté en France où il a exercé la médecine jusqu’en 1979. Il est mort en 1988.
Laurence Hansen-Løve, La Violence – Faut-il désespérer de l’humanité ?
La violence est difficile à apprécier de façon impartiale. La différence entre une approche objective et le « ressenti » est telle que différents points de vue peuvent sembler irréconciliables. Plus problématique encore : la violence des uns peut constituer un soulagement et un espoir pour les autres. Dans ces conditions, on ne voit pas bien comment on pourrait soutenir que le monde dans son ensemble est de moins en moins violent. On remarque à ce propos que, même si le but de la civilisation est en principe de nous délivrer progressivement de la barbarie, il n’est pas certain qu’elle y parvienne. Le monde d’aujourd’hui est porteur de menaces redoutables. Des guerres perdurent, qui tuent de plus en plus systématiquement des civils. Des enfants continuent de mourir de faim. Des crises sanitaires prennent un tour inédit. Chaque jour des femmes continuent de tomber sous les coups de leurs conjoints. Et que penser de l’écocide qui est en train de mettre en péril le monde vivant dans son ensemble ? Dans un tel contexte, avons-nous encore des raisons d’espérer ? Et si oui, lesquelles ?
Laurence Hansen-Løve est professeure agrégée de philosophie, elle a enseigné à Sciences-Po Paris et est actuellement chargée de cours à l’Institut privé de préparation aux études supérieures (IPESUP). Elle est l’auteure de nombreux ouvrages, dont Oublier le bien, nommer le mal ; une expérience morale paradoxale (Belin, 2016), Cours particulier de Philosophie. Questions pour le temps présent (Belin, 2006) ou encore La philosophie comme un roman (Hermann, 2014). Elle est aussi coordinatrice de l’ouvrage La pratique de la philosophie de A à Z (Hatier, 1996).
Tatiana Théron, Un silence si souhaité

Et s’ils passaient à l’acte, le silence s’imposerait-il enfin ? Lorsqu’il n’y a plus rien à perdre, que peut-on espérer ? Deux hommes vont oser, dans ces récits à la charge symbolique assumée, et vivre ces moments où ils tentent de reprendre en main leur destin.
Tatiana Théron est née en 1978. Juriste de formation, professionnelle de l’édition, elle consacre une grande partie de sa vie à l’écriture. Elle publie quatre romans aux Editions du Retour.
Danielle Michel-Chich, Je est une autre
« Tu aurais dû te douter que cette fouine de journaliste allait mettre son nez partout. Pourquoi avoir joué aussi dangereusement avec le feu en reportant par deux fois ton rendez-vous avec lui ?
Lorsque Charles Mattei t’avait annoncé que le Quotidien souhaitait publier un article sur toi, le fameux portrait de la page cinq, tu avais ressenti un malaise violent. Ce n’était pourtant pas ton genre de minauder avec la presse, bien au contraire. Tu consacrais tout ton temps, toute ton énergie, tous tes deniers aussi, à l’Association des victimes et des rescapés du 6 février, et tu n’en étais pas peu fière. La plupart du temps, c’était toi que les journalistes choisissaient, parmi d’autres membres de l’association, car ils te savaient bonne cliente : tu n’étais pas avare de ton temps pour raconter ton histoire, ta blessure, ton engagement au sein du groupe. Tu avais même un certain plaisir à te mettre en avant, à dire avec un brin de coquetterie combien cette activité t’aidait à surmonter ta propre souffrance. Et tu leur expliquais avec une grande sincérité qu’en partageant ainsi ton temps avec tous ceux qui avaient subi le même traumatisme, en mettant le peu de force qu’il te restait à leur service, tu trouvais le courage de te lever le matin ; cela te permettait de ne pas sombrer… »

Danielle Michel-Chich est née à Alger en 1951. Journaliste et essayiste engagée, elle publie plusieurs ouvrages, dont le récit autobiographique Lettre à Zohra D. (Flammarion, 2012). Grièvement blessée à l’âge de 5 ans lors d’un attentat pendant la guerre d’Algérie, Danielle Michel-Chich expose à la poseuse de bombe, à laquelle elle adresse une lettre, sa réaction forte à un attentat aveugle, mais sans haine ni rancœur.